UNION AFRICAINE ET UNION EUROPEENNE

Publié le par Drigo

 

INTRODUCTION

 

Depuis leur création, les institutions européennes ont vu leurs compétences et leurs pouvoirs profondément renforcés, au fur et à mesure que l’Europe s’élargissait et que les politiques communautaires se diversifiaient, donnant de la sorte au monde l’image d’un modèle original générateur de puissance économique. Le modèle est devenu désirable, d’autant plus qu’il a réussit à établir un système apte à imposer un arrangement régulier et harmonieux de l’espace qu’il régit. La perspective réelle ainsi tracée en 1957 avec la signature du traité de Rome organisant les relations économiques entre six Etats autour du charbon et de l’acier ne pouvait pas manquer d’intéresser le continent africain, alors encore pris dans les fers du colonialisme et qui voulait compter dans le système international. L’Union européenne est une organisation d’intégration créée en 1993 année d’entrée en vigueur du traité de Maastricht, c’est le résultat  actuel d’un processus mené au travers de plusieurs traités, depuis celui notamment de la CECA en 1951 à paris. L’Union Européenne compte notamment 27 membres et déploie des compétences dans les domaines du commerce, de l’économie, de la monnaie, de la défense, de l’éducation, de la santé, la liste n’est pas exhaustive.

 L’Union Africaine pour sa part est l’héritière  de l’OUA, une organisation de coopération entre les pays africains, créée le 25 mai 1963. L’Union Africaine créée le 09 juillet 2001 à Lusaka en Zambie, c’est  la résultante de 5 sommets, du sommet d’Alger du 06 au 14 juillet 1999(35e sommet de l’OUA) au sommet de Lusaka(37e sommet de l’OUA) en passant par celui de Syrte I, Lomé, et Syrte II. Ils ne sont que 27 Etats africains à signer l’Acte constitutif de la nouvelle organisation panafricaine en 2000, le chiffre passe ensuite à 41 même si rendu en date du 20 février 2001, ils ne sont que 14 à avoir ratifié. Le 21 mai 2001 marque l’entrée en vigueur du traité portant création de l’Union Africaine et c’est  à Lusaka quelques mois plu tard que cette dernière prendra lieu et place de l’OUA.

 

  • Contexte de l’étude

Si le XXIe siècle est celui du savoir, c’est aussi un siècle marqué dans sa première décennie par une violente crise économique, des déficits budgétaires colossaux pour les pays européens, l’expansion libérale de la chine et de nombreux partenariats économiques en Afrique pour celle-ci, le milliard d’habitants pour l’Afrique qui s’érige comme le continent le plus fertile en matière de communautés économiques régionales, avec plus au nord une Europe de 500 millions d’habitants pour 8,5 milliards d’hommes, et la chute financière de la Grèce qui pour certain a levé le voile sur l’échec ou le point faible de la construction d’une Europe intégrée.

L’analyse peut s’entendre, selon le dictionnaire Encarta de langue française comme premièrement : la décomposition d’un ensemble visant à mettre en évidence les éléments qui le constituent (analyse du sang, analyse grammaticale, analyse logique). Deuxièmement,  comme l’examen détaillé d’un ensemble complexe (analyse d’une situation politique) et c’est cette seconde définition qui rejoint le mieux l’orientation choisie pour notre travail. Le mot comparé s’entendant alors de toute étude des rapports de différence et de ressemblance entre les espèces différentes, notre analyse comparée est donc un examen détaillé des convergences et des divergences entre ces deux entités que sont l’Union Européenne et l’Union Africaine.

 Le problème qui se pose peut donc être formulé de la manière suivante : en tant qu’organisations internationales d’intégration, existe-t-il des similitudes ou des divergences entre l’Union africaine et l’Union Européenne et quels peuvent en être les enseignements ? Autrement dit, s’agit-il d’une approche constitutive semblable ou différenciée et y a t-il convergence des mécanismes institutionnels qui les sous-tendent ?

  • Justification de l’étude

Une perspective analytique et comparative des deux organisations continentales que sont l’union européenne et l’union africaine porte bien sur tout son sens dans cette période de globalisation exacerbée et d’hégémonie du marché, il est donc question pour nous de porter un regard d’observation et de description des mécanismes de l’union européenne et de l’union africaine, faire un « check up » de l’état d’intégration dans ces 2 entités internationales, pour l’élaboration de prospectives toutes aussi justes dans la mesure du possible.

  • Méthode de l’étude

Le travail effectué s’inscrit dans une démarche rationnelle, consultative, au regard des informations collectées via des livres qui traitent de la question de l’Union Européenne et l’Union Africaine, par la consultation d’actes constitutifs  de ces organisations, mais aussi de tout ce qui y a trait sur la toile.

  • Logique de l’étude

Le cheminement de notre présentation sera articulé autour d’une analyse portée sur une approche constitutive différenciée(I), la convergence des mécanismes institutionnels et des enjeux qui les sous-tendent(II), deux volets qui précèderont  bien entendu une analyse sur le bilan et les perspectives de l’intégration en Afrique (III).   

 

Partie I : UNE APPROCHE CONSTITUTIVE DIFFERENCIE

 

Au sortir du second conflit mondial, l’Europe est habité par une double préoccupation : se réconcilier avec elle-même, et se remettre sur le sentier de la création de richesses. Le sentiment national étant encore exacerbé, une union politique immédiate n’était pas envisageable. seul restait l’économie comme axe de construction d’une communauté de destin sur le « vieux continent », avec en arrière plan une idée chère à Montesquieu :« le commerce guérit des préjugés destructeurs ; et c ’est presque une règle générale que partout où il y’a des mœurs douces, il y’a du commerce ; et partout où il y’a du commerce, il y’a des mœurs douces »  Cette construction communautaire en Europe cache également le souci de ne pas revivre les atrocités d’une guerre entre les nations européennes. Le souci sécuritaire est donc ainsi l’un des piliers majeurs de la construction européenne. L’Afrique, elle, lors du lancement du processus d’intégration faisait face à d’autre défis : lutter contre les foyers du colonialisme et consolider les Etats crées sur le model européen. En dehors de ces défis on peut également noter les problèmes de développement car l’Afrique fait face à une précarité dont elle veut se débarrasser.  Ainsi, l’intégration économique ne devient un impératif que dans les années 90.

 

  1. Les solidarités économiques comme instrument majeur de la construction européenne

La construction communautaire reste avant tout l’œuvre de quelques optimistes idéalistes qui, à partir d’une démarche pragmatique de projets économiques, ont souhaité édifier un marché créateur de richesses en espérant passer par la suite à une union politique. Jean Monnet est le principal artisan de cette méthode. Ainsi est né le plan Schuman du 9 mai 1950, qui, proposa « de placer l’ensemble de la production franco-allemande du charbon et de l’acier sous une Haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe ». Un an plus tard naîtra la Communauté européenne du charbon et de l’acier autour de la France, la RFA, l’Italie et le Bénélux. Le choix du charbon et de l’acier était judicieux. Ce champ d’intervention, à la fois technique et limité, sut préserver les souverainetés nationales tout en créant une solidarité de fait sur une base économique. Lorsque le même Jean Monnet s’aventura sur le terrain des prérogatives régaliennes de l’Etat en promouvant le plan Pleven d’octobre 1950 portant sur la création d’une Communauté européenne de défense (CED). Ce sera un échec. Preuve que la Communauté européenne ne pouvait commencer que par une coopération sur le plan économique sans porter atteinte aux attributs de la souveraineté de l’Etat tels que la défense.

Les traités de Rome du 25 mars 1957 créant l’Euratom et la Communauté économique européenne (CEE) ont replacé la construction communautaire dans l’orbite économique. L’économie se vit ainsi élevée au rang d’instrument majeur de la construction communautaire. Le marché commun, malgré la crise économique des années 70/80 reste un model attractif qui n’eut de cesse d’intégrer les autres pays européens. En 1986, ce model s’approfondit avec l’adoption de l’Acte unique. Il entendait établir, à compter du 1er janvier 1993, un marché unique, l’horizon étant l’abolition de toutes les entraves à la liberté de circulation des marchandises, des services, et des personnes. Dans le même élan, le champ d’intervention des institutions communautaires prit de l’ampleur. Le traité de Maastricht du 7 février 1992 mit en place une union économique et monétaire, avec la création d’une monnaie unique approfondissant les solidarités économique entre Etats membres de l’UE.

En révélant au grand jour les divergences européennes, la crise du Persil et la crise irakienne ont souligné les difficultés de l’Union européenne à exister sur la scène internationale, faute d’une politique étrangère commune qui permette de gérer ensemble une diplomatie et une défense autonomes. Ce qui a remis au grand jour la nécessité d’une véritable intégration politique en Europe car en effet si la désignation d’un Président et d’un Chef de la diplomatie de l’union constitue certes une avancée mais cela n’est pas encore suffisant. L’UE reste avant tout un marché très bien organisé. Elle risque de le demeurer d’autant plus que les pays issus de l’ex bloc soviétique sont attachés au maintien du lien transatlantique.

Si l’UE a réussi à valoriser les solidarités économiques afin de proposer un destin commun aux peuples européens, les africains, en revanche, ont privilégié un autre versant, le politique, pour bâtir une solidarité sans cesse plus étroite entre les peuples d’Afrique.

 

  1. Les solidarités politiques au cœur de l’intégration africaine

A l’occasion de la première Conférence des peuples noirs tenue à Accra en 1958, Nkrumah prêcha l’unité immédiate du continent africain. Il allait proposer la mise en place d’un gouvernement central africain, avec pour objectif de mettre fin aux frontières héritées de la colonisation. Il affirmait que les différences ethniques, de culture, et de langue n’étaient pas fondamentales [6Kwame Nkrumah, l’Afrique doit s’unir, Etudes et documents, Payot, 1961.  ]. Soutenu par les représentants du Maroc, de  la Tunisie, de l’Egypte, de  la Libye, du Soudan-Khartoum et de l’Ethiopie, le Ghana entendait engager une politique africaine commune. A Casablanca, du 3 au 7 janvier 1961, ce groupe de pays progressistes et maximalistes dans leur vision du devenir du continent, alimenté par la Guinée-Conakry, du Mali et du gouvernement provisoire de la République algérienne, élabora une charte politique. Ces Etats  prônaient une véritable fédération à l’image des Etats Unis d’Amérique c’est-a-dire une intégration totale et immédiate de l’ensemble de l’Afrique. A Monrovia, du 8 au 12 mai 1961, quelques vingt Etats modérés ne tardèrent pas à réagir en préférant une simple coopération interétatique à une intégration continentale immédiate.

A ces deux visions de l’intégration continentale, le président Barthélémy Boganda de la RCA et l’abbé Fulbert Youlou du Congo opposèrent leurs propres conceptions : une intégration passant par les regroupements sous régionaux. Le premier penchait pour la création des Etats unis d’Afrique latine, le second pour les Etats unis d’Afrique centrale.

Jaloux de leurs indépendances et incapables de dégager un dénominateur commun sur les grandes questions, les plus réalistes avancèrent l’argument selon lequel la faiblesse des solidarités africaines augurait mal d’une délégation de compétences à un gouvernement continental. A la lumière de ce jugement, l’Organisation de l’unité africaine fut créée en 1963 afin de lutter contre le colonialisme et de consolider l’espace étatique importé de l’occident. Ainsi, la première institution communautaire africaine avait des objectifs différents que l’intégration politique ou économique de l’Afrique. L’OUA aura été absente du débat portant sur la création de richesses. Le traité d’Abuja, entré en vigueur en 1994 et créant un marché commun africain, fut un échec.

L’incapacité de cette institution à opposer un bouclier aux maux qui minent le continent conduisit à son remplacement par un nouvel ordre juridique, l’Union africaine crée par le Traité de Lomé et  entrée en vigueur le 26 mai 2001 avec pour finalité l’intégration politique, sociale et économique. La dimension économique allait dorénavant se conjuguer avec le volet politique, encore fallait-il que l’UA ait une vision concrète de l’avenir du continent. D’après les auteurs fonctionnalistes anglo-saxons, la Société des nations avait dû son échec à un manque de projets concrets. L’UA doit éviter ce sombre avenir.

Une nouvelle fois, deux conceptions de l’intégration africaine s’affrontèrent lors du passage de l’OUA à l’UA. Les maximalistes autour de la Libye appelèrent de leurs vœux la création des Etats Unis d’Afrique. Cette position entendait tirer les leçons de l’échec du model unitaire de type européen imposé en Afrique. L’Etat s’est en effet trouvé dans l’impossibilité d’administrer l’ensemble des territoires placés sous son contrôle. Il s’est révélé incapable d’y apporter la sécurité, ce qui a conduit les populations à chercher protection dans le clan ou l’ethnie. Dans cette vision fédéraliste, les réalistes estiment nécessaire de procéder par étape. Pretoria ne juge t-elle pas prioritaire le renforcement des groupements sous-régionaux, seuls en mesure de porter les idéaux de l’union africaine ? Le Nigeria n’est-il pas dans une logique similaire pour souhaiter atteindre les idéaux panafricains à travers la communauté ouest africaine (CEDEAO) ? L’Algérie, quant à elle, semble vouloir ressusciter l’Union du Maghreb arabe. Les approches constitutives de l’Union africaine et de l’Union européenne représentent donc deux faces d’un même dessein : bâtir une union sans cesse plus étroite qui puisse faire sens et puissance dans le système international.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie II : LA CONVERGENCE DES MECANISMES INSTITUTIONNELS ET LES ENJEUX QUI LA SOUS-TENDENT

 

L’union africaine et l’Union européenne sont des associations volontaires d’Etats régies par un accord international, dotées d’organes permanents, propres, et indépendants chargés de gérer des intérêts collectifs et dotés de la capacité d’exprimer une volonté juridiquement distincte de celle des membres. Aussi, pour rendre compte de la convergence institutionnelle entre l’UA et l’UE, la distinction classique opérée par le droit international entre les organes inter étatiques et les organes intégrés s’applique aisément. A la lumière de cette classification, il apparaît à l’observateur que le cadre institutionnel de l’UA s’est inspiré de celui de l’UE. Par ailleurs, l’UA comme l’UE semblent habiter par la hantise de leur finalité, établir un système apte à faire émerger et vivre une citoyenneté continentale ; la perspective étant de tendre vers une gouvernance démocratique de ces deux grands ensembles régionaux.

 

  1. La transposition originale du cadre organique de l’UE au sein de l’UA

L’UA et son modèle l’UE sont constitués d’organes inter étatiques ou intergouvernementaux. Ces cadres institutionnels rassemblent eux-mêmes des représentants des Etats et assurent des fonctions politiques et délibératives, ou bien sont chargés de taches techniques et consultatives. Il arrive que certaines matrices institutionnelles soient dotées des deux fonctions précitées. Au titre de ces organes, on trouve la Conférence, son équivalent communautaire étant le Conseil européen. Le Conseil exécutif de l’UA correspond quant à lui au Conseil de l’UE.

La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA réunit les chefs d’Etat ou de gouvernement ou leurs représentants dûment accrédités [10Voir le règlement intérieur de la conférence adoptée les 9-10 juillet 2002 à Durban en Afrique du sud, par la première session de la conférence de l’Union Africaine.  ] . L’UE est dotée d’une structure institutionnelle semblable, le Conseil européen [11L’Art. 4 du traité sur l’UE dispose bien que le Conseil européen réunit les chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres, assistés par les ministres des affaires étrangères, ainsi que le président de la commission.  ]. A l’aune de ses « responsabilités croissantes en ce qui concerne les défis auxquels le continent est confronté » [12Voir la décision sur la fréquence des sessions ordinaires de la conférence, 3eme session de la conférence de l’UA, 8 juillet 2004, Addis-Abeba.  ], la Conférence se réunit deux fois par an, alors que sa consœur européenne se réunit au moins quatre fois par an. Il est vrai qu’une session extraordinaire de la Conférence peut être convoquée à la demande de son président, sous la réserve d’une approbation par les deux tiers des Etats membres.

La Conférence, à l’image du Conseil européen, donne à l’Union africaine les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations politiques générales [13Voir art. 9 de l’Acte constitutif de l’UA et l’art. 4.1. C du règlement intérieur de la conférence. Ce sont, sans conteste, les instances suprêmes de ces deux instances.  ] . Mais contrairement au Conseil européen, elle a le pouvoir de contrôler la mise en œuvre des politiques et l’application des décisions par tous les Etats membres [14Art. 9.1.c de l’acte constitutif de l’UA.  ] . Au sein de l’UE, le pouvoir de contrôle appartient essentiellement à la Commission. La Conférence est aussi compétente pour déterminer les sanctions à imposer à tout Etat en cas de « non paiement de ses contributions statutaires, de violation des principes consacrés dans l’acte constitutif et dans le présent règlement intérieur, et en cas de non respect des décisions de l’Union et de Changement anticonstitutionnel de gouvernement » [15Art. 4.1-g du règlement intérieur de la Conférence. Pour un prolongement voir les articles 23 et 30 de l’Acte constitutif sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement et l’imposition de sanctions.  ]. Dans la perspective tracée par le Conseil européen, les décisions de la Conférence sont aussi prises par consensus [16L’Art. 7.1 de l’Acte constitutif de l’UA prévoit le recours à la majorité des deux tiers des Etats membres, à défaut de consensus.  ]. Les deux institutions disposent d’un président, celui’ de la conférence est élu pour un an.

Le Conseil exécutif de l’UA, qui remplace le Conseil des ministres de l’OUA, est composé des ministres des affaires étrangères ou de tous les autres ministres ou autorités désignés par les gouvernements des Etats membres [17Voir les articles 10 à 13 de l’Acte constitutif de l’UA.  ] . Son équivalent est le Conseil de l’union européenne. Cette instance n’est formée que de représentants de chaque Etat membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet Etat. Le ministre peut se faire représenter par un haut fonctionnaire permanent, lequel cependant n’est pas habilité à voter. Le droit de vote ne peut, en effet, être délégué qu’aux autres membres du Conseil. Il s’en suit que la composition de ces deux instances est identique puisqu’au sein du Conseil exécutif peuvent se retrouver « tous autres ministres », et qu’au sein de l’UE les ministres disposent également de la possibilité de s’y faire représenter.

Il se réunit en session ordinaire au moins deux fois par an [18L’art.9 du règlement intérieur prévoit par ailleurs que le conseil exécutif se réunit deux fois par an, en février et en juillet, ou exceptionnellement à toute autre date convenue, à l’initiative de la commission, après consultation avec le président et les Etats membres.  ] , alors que le Conseil de l’UE se réunit en toute hypothèse le premier mardi de chaque mois. Ces sessions ont pour but d’établir la coordination et le choix des politiques d’intérêt communs pour les Etats membres, et contrôler la mise en œuvre des politiques arrêtées par la conférence [19Voir Art.5.1 du règlement intérieur du Conseil exécutif. ]. Il statue sur les questions qui lui sont soumises par la Conférence et, à l’inverse, détermine les questions à soumettre à la Conférence [20Art. 5.1 b et g du règlement intérieur du Conseil exécutif.].

Le Conseil de l’UE à un même pouvoir de décision et d’exécution pour assurer la réalisation des objectifs fixés par le président et dans les conditions prévues par celui-ci [21Voir art. 7 et 202 CE.] . Autre point commun, et à l’instar de ce qui se passe au sein du Conseil de l’UE, le Conseil exécutif s’appuie sur un Comité des représentants permanents (COREP), responsable de la préparation de ses travaux et qui agit sur ses instructions [22Voir art. 21.1 de l’Acte constitutif.] Si les décisions du Conseil exécutif sont prises par consensus, ce n’est pas toujours le cas au sein du conseil de l’UE où les règles de votation sont très variées [23Voir Sean Van Raepenbush, Droit institutionnel de l’UE, Larcier (éd.), 2005, 757p.].

L’UA et l’UE disposent d’organes intégrés. Il s’agit « d’organes composés d’individus agissant exclusivement en qualité de membre de ces organes et tenus d’exercer leurs fonctions à l’abri de toute influence extérieure à commencer par celle des Etats individuellement concernés » [24M. Virraly, L’Organisation mondiale, A. Colin, 1972, p. 58.]. Ces organes permettent à l’organisation internationale de se détacher des Etats membres, d’exprimer la volonté propre de l’organisation, et d’agir dans son intérêt exclusif [25J. Schwob, Les organes intégrés de caractère bureaucratique dans les organisations internationales, Bruylant, 1987, p.4.]. L’acte constitutif de l’UA en dénombre cinq : la Commission et son équivalent communautaire, qui retiendront immédiatement notre attention, la Banque Centrale Africaine, le Fonds monétaire africaine et la Banque africaine d’investissement, sur lesquels nous ne nous attarderons pas, en raison de leur caractère hypothétique [26Voir art. 19 de l’Acte Constitutif. Avec A. Bourgi, on peut dire qu’il s’agit d’un projet à long terme, l’UA entre les textes et la réalité, AFRI, 2004, p. 333.], et enfin la Cour de justice, que nous aborderons dans la sous partie suivante.

La Commission européenne, comme la commission de l’UA, sont les dépositaires des actes constitutifs créant leurs deux ensembles. Ce sont elles qui préparent le budget. Elles ont une fonction exécutive, dans le sens où elles mettent en œuvre les dispositions prises par les autres organes. Elles ont un pouvoir d’initiative. Celui de la commission européenne est bien établi, quoique contrebalancer par le Comité des représentant permanent [27Voir J. Verhoeven, droit de la communauté européen, Larcier, 2001, 510p.] . L’article 3.2.b de l’Acte constitutif de l’UA dispose bien, à cet égard, que la commission de l’UA élabore les propositions à soumettre à l’examen des autres organes. Par délégation de la Conférence et du Conseil exécutif, elle prend des mesures dans certains domaines de responsabilité [28Lutte contre les pandémies, sécurité alimentaire... voir art. 3.2. de l’acte constitutif.] . En exerçant ce pouvoir, ces commissions expriment l’intérêt général des unions. Elles apparaissent comme les éléments moteurs de ces ensembles institutionnels.

Les membres de ces deux commissions sont nommés par les chefs d’Etat. Les Commissaires africains peuvent par contre être révoqués par la Conférence, ce qui amoindri leur obligation d’indépendance posée à l’article 4.3 de leur statut, alors que leurs homologues européens ne peuvent l’être que par le parlement européen, qui les investit dans leurs fonctions. Ces Commissions sont dirigées par un président ; le mandat des Commissaires africains est d’une durée de quatre ans, et celui des européens de cinq ans.

Au vu de ce qui précède, il est manifeste qu’au nom de l’efficacité, le cadre institutionnel de l’Union africaine n’aura été qu’une transposition originale de celui de l’Union européenne. Les deux institutions semblent par ailleurs partager un défi identique, celui de l’appropriation et de la participation des citoyens de ces constructions juridiques visant un vouloir vivre ensemble.

 

 

 

B) Défi identique : renforcement de la participation des citoyens à l’élaboration et à la consolidation d’un cadre démocratique

D’une certaine manière, la mondialisation porte en elle la notion de palabre, procédé de concertation par excellence africaine et institutionnalisé dans les organisations internationales. Elle répond à la revendication d’un plus grand droit à la parole et pousse à une régulation conjointe ou à une gouvernance collégiale. Cette préoccupation n’aura pas été absente de l’Acte constitutif de l’UA.

L’article 3.g de l’acte constitutif de l’UA dispose bien que l’un de ses objectifs est de « promouvoir les .principes et les institutions démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance ». Si les notions d’institutions démocratiques et de bonnes gouvernances ne soulèvent aucune difficulté, force est de reconnaître que la notion de participation populaire reste d’un flou juridique impressionnant. Quoi qu’il en soit, il faut y voir la volonté des pères de l’UA d’associer les peuples à cette construction nouvelle et qu’ils s’approprient ce dessein afin d’en consolider le cadre démocratique pour favoriser, conformément à ce qui s’est passé en Europe [Après avoir fait l’objet de longues discussions depuis les années 80, la citoyenneté de l’Union a été introduite dans les traités par celui de Maastricht. Le traité d’Amsterdam est venu préciser cette notion. La deuxième partie du traité CE est consacré à la citoyenneté. La place ainsi accordée aux dispositions concernant la citoyenneté montre bien l’importance que l’on a voulu leur accorder en tant qu’élément constitutif de l’UE.] , l’émergence d’une citoyenneté africaine. Si les droits du citoyen européen ne sont pas négligeables, ceux du citoyen africain souffrent encore de quelques lacunes, il n’est que de penser à la liberté de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres de l’UA.

Dans un projet de déclaration sur les élections, la démocratie et la gouvernance de mars 2003, la Conférence de l’UA fait référence à la démocratie participative. On peut y lire que les éléments essentiels de ce concept sont « le respect des droits humains et des libertés fondamentales, l’accès au pouvoir et son exercice sur la base des principes de l Etat de droit, la tenue périodique d’élections libres et transparentes à bulletin secret et au suffrage universel, en tant qu ’expression de la souveraineté populaire, le pluralisme dans le système des parties et organisations politiques, la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de chacun d’entre eux ». Cette notion de démocratie participative doit se conjuguer avec celle des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance. Il est vrai que l’Afrique de l’unité est à la recherche d’un droit à la vérité, à la justice, à la réparation, et pas simplement civile. La création d’une Cour de justice de l’union africaine, pâle imitation de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) [Voir J. Boulouis, M. Darmon, J. G. Huglo, Contentieux communautaire, Dalloz, 2001 ; M. Darmon, Cour de justice : structure, organisation, fonction, bilan, in Répertoire de droit communautaire, Encyclopédie, Dalloz.], est néanmoins de ce point de vue à saluer. N’oublions jamais que l’article 3.h donne pour objectif aux Etats membres de l’UA la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples. Dans le même élan, la mise en place de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, fin janvier 2004, malgré l’absence de saisine directe de la part des justiciables, contrairement à la Cour EDH [Voir L.E Petiti, E. Decaux, P.H. Imbert, La Convention européenne des droits de l’homme, commentaire article par article, Economica, 1995 ; Vincent Berger, Jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme, 9ème sirey, 2004, 818p.] , participe du même dessein. Quoi qu’il en soit, il faut aller encore plus loin, dans la mesure où l’exécution des arrêts par les Etats est certes obligatoire mais volontaire. Le suivi de l’exécution des arrêts de la Cour est confié au Conseil des ministres de l’Union africaine ; autant dire que cette introduction du politique dans le champ juridique n’est pas fait pour assurer la force des arrêts de la Cour.

Par ailleurs, dans le but « d’assurer la participation des peuples africains au développement et à l’intégration économique du continent » [Art. 17. 1. de l’Acte constitutif de l’Union.] , de promouvoir le dialogue permanent entre toutes les composantes de la population africaine, le parlement panafricain et le Conseil économique, social et culturel a été créé. Avec le parlement panafricain, est visée une plus grande implication des peuples dans le processus de construction communautaire. Il doit a terme devenir la voix des peuples, en étant doté de pouvoirs réels au plan législatif et en élisant ses membres au suffrage universel direct [Art. 2.3 du protocole relatif au parlement.]. A l’heure actuelle, il ne dispose que des pouvoirs consultatifs, jusqu’à ce que les Etats en décident autrement par amendement du protocole [Voir article 24.1 du protocole relatif au parlement.]. Contrairement au parlement européen, le parlement panafricain n’a pas de pouvoir législatif, ni de pouvoir de contrôle, et son pouvoir budgétaire ne s’exerce que sous la forme d’une recommandation adressée à la Conférence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie III : BILAN ET PERSPECTIVES DE L’INTEGRATION EN AFRIQUE

 

Dans cette partie, il conviendra de faire une lecture sur les problèmes qui freinent l’intégration africaine et surtout de ressortir les perspectives pour aider l’Afrique à mieux se construire.

 

  1. Les embuches à l’intégration Africaine    

Au moins trois types d’obstacles peuvent être retenus et considérés comme des freins à la construction de l’unité et de l’intégration du continent. Il s’agit du nombre d’Etats membres de l’UA, d’une adhésion sans conditionnalité et d’une inégalité de niveau de développement entre les Etats.

  • Une adhésion sans conditionnalité et l’absence d’une période d’adaptation

L’une des particularités des deux organisations continentales que l’Afrique a connu jusque-là, est que, elles ont réuni et réunissent toujours en leur sein la presque totalité des 53 Etats africains avec d’une part ceux qui ont signé les  actes constitutifs au moment de leur adoption (OUA) et de l’autre ceux qui y ont adhérés ultérieurement. Les adhésions ne sont donc jamais assorties de conditionnalité qui permettent dans les autres organisations comme l’UE d’admettre des membres ayant suffisamment de point communs –politiques, économiques et social-susceptibles de soutenir une véritable intégration.ces éléments posent à n’en point douter un problème de coordination au niveau de la prise de décision, et une cohérence au niveau de l’élaboration des politiques communautaires. Ces obstacles se rencontrent  dans d’autres organisations régionales. C’est le cas au sein de l’Organisation des Etats Américains(OEA) où le poids des Etats-Unis entrave l’intégration au sein de cette organisation qui poursuit dans la région des Amériques, les objectifs  de paix et de justice, de solidarité, de développement économique, social et culturel et de lutte contre la pauvreté…

Pour parer à ces obstacles qui sont de véritables freins à l’intégration, certaines organisations ont ainsi posé des conditions aux membres voulant adhérer à leur statut et donc y faire partie. C’est le cas du Conseil de l’Europe. Elle compte 47 Etats membres divisés entre membres originaires ordinaires, membres ordinaires invités et membres associés. Les premiers  sont constitués des Etats signataires du statut de Londres au moment de sa rédaction et qui l’ont ratifié ultérieurement. Les membres invités quant à eux sont ceux qui remplissent les trois conditions d’adhésion retenues par l’organisation, dont la plus important est l’acceptation du principe de prééminence du droit, et le principe en vertu duquel toute personne placée sous la juridiction d’un Etat doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les membres associés, qui n’existent plus au sein du Conseil de l’Europe étaient admis sur les mêmes critères d’adhésion soumis aux membres ordinaires invités. Les conditions au sein de l’UE sont encore plus strictes. Avec les modifications de l’article 49 du traité d’Amsterdam, il faut non seulement que les candidats à l’Union soient des Etats européens, mais aussi qu’ils respectent les principes énoncés à l’article 6, paragraphe(1) de l’UE. Il s’agit des principes de liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit. Outre ces conditions, les candidats à l’adhésion au sein de l’union doivent accepter l’ensemble du droit communautaire en vigueur et les orientations politiques déjà définies.

  • Une absence de période d’adaptation

En matière d’adhésion, l’Acte constitutif de l’UA ne prévoit aucune conditionnalité pour les Etats voulant faire partie de l’Union. L’article 27(3) dispose que tout Etat membre de l’OUA peut adhérer à l’acte constitutif après son entrée en vigueur en déposant ses instruments d’adhésion auprès du président de la commission. Et l’article 29(1) de poursuivre que tout Etat africain peut, à tout moment, après l’entrée en vigueur de l’acte, notifier au président de la commission d’adhérer et d’être admis comme membre de l’Union. Cette situation d’absence de conditionnalité au niveau de l’adhésion n’est alors que la perpétuation des dispositions de la charte de l’OUA de mai 1963, qui, disposait en son article4, que chaque Etat africain indépendant et souverain peut devenir membre de l’organisation. Encore que dans le cas de l’OUA il fallait être « indépendant » et « souverain », conditions qui ne sont pas posées dans l’acte constitutif de l’UA pour les raisons que nous connaissons et qui tiennent à l’inexistence aujourd’hui en Afrique de territoire sous occupation étrangère.

On voit bien que contrairement à l’UE, l’acte constitutif de l’UA n’a aucune disposition visant à imposer au nouvel Etat le respect d’un certain nombre d’actes ou de règles qui peuvent être considérées comme fondamentales pour la cohérence de l’organisation et pour l’avancée de l’intégration. Au sein de l’UE n exige de respecter l’acquis communautaire. C’est le socle commun des droits et obligations qui lie l’ensemble des Etats  membres au titre de l’UE. De même pour intégrer l’Union, les pays  candidats se trouvent dans l’obligation de transposer l’acquis communautaire dans leurs législations nationales et de  l’appliquer dès leur adhésion effective.

Par ailleurs rien ne prévoit au sein de l’UA une sorte de période d’adaptation du nouvel Etat africain adhérant ou alors une période de transition conçue en vue de l’intégration complète du nouvel Etat au sein de l’organisation.

Le second constat est que l’unité et l’intégration de l’Afrique peuvent aussi être freinées par l’existence d’organisations intergouvernementales presque concurrentes aux organisations continentales.

 

  • La question de l’union du Maghreb Arabe

Créée à Marrakech le 19 avril 1989, l’Union du Maghreb Arabe (UMA) est composée de cinq Etats africains appartenant tous au Maghreb : Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc, et Tunisie. On pense que l’une des raisons ayant entrainé sa création porte sur l’inquiétude de ces pays au sujet de leurs relations avec l’Europe communautaire. Mais là où l’action de l’UMA pourrait rejoindre et même concurrencer celle de l’UA en l’affaiblissant, c’est bien au niveau de ses objectifs. Organisation à caractère généraliste comme c’est le cas de l’UA, l’UMA entend étendre ses objectifs à  une coopération étroite dans tous les domaines sociopolitiques et en particulier dans le domaine économique. L’idée est d’intensifier les échanges commerciaux entre les Etats membres et de créer à terme un espace économique maghrébin sous forme d’un marché commun nord africain. Nous voyons par là même, la création de micro regroupements dont l’existence ne peut à long terme que disperser  les énergies des Etats africains et donc affaiblir la mystique de l’intégration et du développement du continent.

  • Une concurrence éventuelle avec la francophonie et la question du   Commonwealth

            L’idée d’un blocage ou du frein de l’intégration et de l’unité de l’Afrique par la présence de plusieurs organisations internationales régionales et généralistes touche aussi l’existence et l’action de la Francophonie en tant qu’institution. On sait que l’Organisation internationale de la Francophonie, crée en 1997 à son VIIe sommet de Hanoi se veut un rassemblement large et plus ouvert, fondé sur le partage d’anciennes colonies françaises mais également des pays n’ayant jamais connu la tutelle de la France comme la Roumanie ou la Bulgarie. Mais le plus important est que la Francophonie qui compte 53 Etats et gouvernements membres et 10 pays observateurs ; sans toutefois intervenir sur les plates bandes des organisations continentales a toujours réunis les pays considérés comme moteurs de l’intégration et de l’union du continent. C’est environ 30 pays de l’Afrique et de l’Océan indien, soit 48% des Etats membres de la Francophonie aujourd’hui partagés entre les relations multilatérales au sein de l’OIF et leurs objectifs au sein, hier de l’OUA, et aujourd’hui de l’Union Africaine. Mieux, les domaines dans lesquels intervient la Francophonie, qui est devenue une sorte d’organisation généraliste, rejoignent point par point les aspects sur lesquels les organisations continentales appuient leurs politiques, stratégies et actions de coopération et d’intégration.

            Au premier sommet de Versailles en 1986 on sait bien sûr que les chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage ont déterminé quatre idées fortes ; offrir un forum original de dialogue Nord-Sud ; construire une solidarité puissante et utile entre riches et pauvres ; dégager une volonté commune, relever les défis contemporains et imaginer les voies de l’avenir pour les institutions francophones.

            Mais les volets dans lesquels la Francophonie est intervenue couvrent bien ceux considérés somme les plus importants de l’intégration : la politique et l’économie. En cela cinq domaines stratégiques d’intervention avaient été définies au départ : l’agriculture, l’énergie, la culture, l’industrie de la langue, l’informatique scientifique et le développement technologique. Au fur et à mesure de ses sommets les objectifs et les plans d’action de l’OIF ont évolué comme ce fut le cas au sommet de Moncton où cinq axes d’interventions prioritaires ont été définis : la consolidation de la paix, de la démocratie et de l’Etat de droit, la promotion de la diversité linguistique et culturelle, l’éducation et la formation, la coopération économique et le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. C’est dire qu’autant l’action de la Francophonie est brouillée par l’existence à ses côtés des fameuses conférences franco-africaines créées en 1973 pour préserver à la France l’exclusivité des relations avec les pays africains, autant elle-même peut perturber les organisations continentales dans la mesure où nombre de pays pensent que leurs intérêts peuvent mieux être garanties dans un espace intégrant pays riches et pays pauvres.

 

  • La question du Commonwealth

Le Commonwealth peut également être considéré comme une organisation pouvant concurrencer l’action des organisations continentales dans la mesure où elle occasionne la dispersion d’énergie des Etats africains qui en sont aussi membres. Fondé en 1930 par le Statut de Westminster, cette association se veut une association politique regroupant uniquement les anciennes colonies britanniques, sauf les Etats-Unis et le Nigéria exclu en 1995. Bien qu’apparaissant plus homogène en ce qui concerne le niveau de la pratique de la langue, la répartition géographique et le niveau de développement économique, elle n’en demeure pas moins un espace dan lequel nombre d’Etats africains entendent résoudre bon nombre de leurs problèmes de développement, et se trouvent alors partagés entre leur abnégation vis-à-vis de cette organisation et leur dévouement pour la cause africaine.

 

  1. L’UA : vers une viabilité et rentabilité de ses acquis

L’UA ne pourra décemment atteindre ses objectifs que si certains aménagements sont faits. Ce sont notamment la modernisation politique de l’Afrique, la solidification des sous ensembles sous-régionaux, et la confortation de la renaissance africaine.

  • La nécessité d’une modernisation politique de l’Afrique 

L’intégration africaine ne peut être véritablement effective s’il n’ya pas une mue dans la façon de vivre cette unité de la part des africains, en particulier de ces dirigeants. Une nouvelle vie éthique devrait naître au sein de nos leaders. Une plus grande implication de nos chefs d’Etats est à souhaiter pour ne plus assister aux désaffections qui ont eu cours sous L’OUA. On a l’impression que la « plupart des sommets qui se tiennent pourtant chaque année rassemblent plus de chefs d’Etats africains que les sommets de l’OUA » cela pour la promotion de la bonne gouvernance  comme exigence pour l paix, la sécurité et le développement sociopolitique durable et la fin des rivalités entre les leaders africains.

La bonne gouvernance passe indubitablement par l’instauration d’un état de droit en Afrique. Arrimée à l’Afrique, la bonne gouvernance passe par la modernisation, la transparence dans la gestion de l’administration, le renouvellement des structures, le changement démocratique de l’ossature des Etats.

L’histoire du pouvoir politique en Afrique est l’histoire de sa confiscation, de sa privatisation et de sa sacralisation  par un individu ou un groupe d’individu.

Avec la bonne gouvernance, l’Etat de droit devrait  revenir dans nos Etats et par là gonfler davantage l’UA. Cela passe par un ensemble de réformes telles qu’elles aboutissent à une véritable refondation de l’Etat. Car, dans un pays où une ethnie monopolise illégalement le pouvoir, étend sa  suprématie pendant des décennies, cela finit fort malheureusement par des guerres civiles. Cette bombe tribale (qui est une forme de bombe coloniale) est une épée de Damoclès que l’UA devrait désamorcer en faisant de la bonne gouvernance son cheval de batail.

  • La consolidation des ensembles sous- régionaux

L’entrée en vigueur de l’UA se met pas un terme à l’existence de sous ensembles régionaux tels la COMESA, la CEDEAO, la SADC, la SWAPO, la CEMAC et bien d’autres. Ceci pour la simple raison que l’union se fera de façon progressive, c’est-à-dire par cercles concentriques, les sous-ensembles régionaux étant à terme destinés à se faire fédérer pour donner lieu à l’UA proprement dite.

            En outre, l’UA devrait d’avantage s’investir à trouver une solution au problème sahraouie. En effet l’affaire du Sahara Occidental, venue empoisonner les débats de l’OUA dès son apparition, en 1963, provoqua le départ d’un membre fondateur, le Maroc en 1984, en protestation de l’admission de la R.A.S.D en 1981. L’U.A gagnerait à ramener dans ses rangs l’un de ses fils qui a été longtemps absent. Le fait que le Maroc ne soit plus membre de l’U.A est une épine qui pourrait pourrir l’ambition de l’union totale de l’Afrique.

            De plus, la non intervention des Etats maghrébins dans la résolution des conflits en Afrique noir e est regrettable pour qu’on le souligne. Ces barrières culturelles et idéologiques devraient cesser. Il est certes vrai qu’à l’origine, ce sont des colonies de peuplement venant de la Turquie principalement. Toutefois, ils devraient être plus actifs                                                                                                                        (à l’instar de l’ancien Président Algérien, BEN BELLA et de nos jours KADHAFI, Président de la Libye) et ne plus avoir ce recul face aux problèmes de l’Afrique Noire.

  • L’urgence de la renaissance africaine

C’est le 09 juillet 2001, que les chefs d’Etats et de gouvernements africains se sont réunis à Lusaka (Zambie) pour sceller l’acte constitutif de l’UA. Cet évènement a été également marqué par la fusion de deux plans de relance économique politique à l’échelle continentale : le Millenium African Plan (MAP) qui s’est voulu un diagnostic des sources de l’appauvrissement historique de l’Afrique et un appel à la prise de  conscience des leaders africains ; lequel diagnostic remonte à l’esclavage, en passant par l’esclavage (avec les prélèvements sur les ressources humaines) ;la colonisation ( prélèvement sur les ressources naturelles), ainsi que la longue détérioration des termes de l’échange ( prélèvement sur ses produits soumis à l’échange inégal). Ce plan est l’œuvre des présidents Mbéki, Obasanjo et Bouteflika. Le plan Omega (qui est l’œuvre d’Abdoulaye Wade) est une espèce de « catching up theory » qui se propose de combler les gaps qui séparent l’Afrique des pays développés dans les secteurs essentiels de l’économie. C’est le complément économique du MAP. Après une brève concurrence, ces deux plans fusionnèrent pour donner naissance à la Nouvelle Initiative Africaine.

            La Renaissance, c’est d’abord un acte de rupture. En Europe médiévale cette rupture s’est traduite par le refus du courant scolastique, de la sclérose des théologiens formalistes. Au Japon, elle s’est traduite par des réformes drastiques de la politique des shoguns. En Europe contemporaine, par une politique de pacification et le renforcement de la coopération régionale.

            La renaissance africaine ne se réalisera qu’à la faveur d’une série de ruptures : rupture avec la forme paternaliste de la coopération bilatérale et multilatérale, rupture avec la politique « d’aide et de crédit », émergence d’un esprit nouveau pétri de liberté et d’une conscience historique.

            La Renaissance c’est aussi un acte volontariste doublé d’une vision lucide et concrète de l’avenir. En 1972, le président sud coréen Park lançait avec détermination le mouvement des « nouveaux villages » pour la modernisation des zones rurales et le développement d’une agriculture moderne. Quelques années plus tard, les campagnes sud-coréennes présentaient une physionomie totalement différente. C’est la preuve que le développement ne saurait se réaliser sans une volonté nationale : il ne se délègue ni ne se réalise par procuration.

            En ce qui concerne l’Afrique contemporaine, le concept de renaissance (auquel Nnandi Azikiwé avait déjà fait une réflexion en 1936 in Africa renaiscence) a été utilisé par la suite par Cheikh Anta Diop, qui, en 1948, dans un article prémonitoire, demandait déjà : « Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? » L’idée maîtresse de sa doctrine était que le développement n’était possible que dans le cadre du rétablissement de la conscience historique africaine. Pour lui, l’intégration du continent est une nécessité qui participe de la logique de rupture avec cinq siècles d’asservissement. Sa réalisation ne peut l’économie d’une analyse critique du passé, qui doit restituer la vérité historique et apporter une visibilité temporelle et spatiale au devenir africain. L’actualité scientifique et politique semble lui donner raison. En effet, on assiste d’un côté à l’effondrement irréversible de l’africanisme, englué dans une vision étriquée de l’Afrique, et, de l’autre, à la montée irrésistible de la conscience collective panafricaine. Ce soubassement idéologique du MAP est doublé d’une vision politique plaçant au centre des préoccupations la résolution des conflits qui ensanglantent le continent et compromettent tous les efforts de développement.

            En proposant un ancrage économique à l’intégration africaine, le plan Oméga donne une dimension concrète au projet. Il propose quatre domaines d’intervention : les infrastructures, l’agriculture, l’éducation et la santé. Il fonde sa justification économique sur la « nouvelle » théorie de la croissance endogène à travers une injection massive de capitaux dans l’économie. Le financement du plan reposerait sur la communauté internationale et les investisseurs directs étrangers (IDE).

            La question de la monnaie doit également faire l’objet de discussion dans le cadre de la Nouvelle Initiative africaine, car «l’intégration monétaire est une composante incontournable de l’intégration économique » : il est illusoire d’aspirer au développement des échanges à l’intérieur du continent africain avec des monnaies aussi diverses que fluctuantes. Est-il besoin de rappeler que les intégrations régionales les plus dynamiques se sont développées autour d’une monnaie commune ? la question d’une monnaie africaine indépendante doit être mise en perspective. De plus, il est impératif que le partenariat remplace l’assistanat et qu’une approche de contrat se substitue à l’imposition des conditionnalités. Faillir à ce nouvel engagement et à l’union africaine naissante, c’est compromettre pour plusieurs décennies encore l’avenir de l’Afrique, car les conséquences psychologiques d’un tel échec risquent d’offrir un prétexte supplémentaire à une domination et une marginalisation accrue du continent africain

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION

 

« On ira chercher à travers le monde la connaissance afin de renforcer les fondements de la règle impériale. » Ainsi est énoncé le dernier article de la Charte des cinq articles, fondement de l’ère Meiji (1868-1912). Avec ce principe, le Japon a rapidement assimilé les modes de vie et les savoirs occidentaux, tout en ayant l’intelligence de les adapter à sa propre réalité. Cet exemple doit conforter les pères fondateurs de l’Union africaine dans leur choix de s’inspirer d’une architecture institutionnelle qui a fait ses preuves, même si cette dernière n’a que peu réussi à intéresser les peuples à sa construction. Cette critique vaut aussi pour l’Union africaine. Néanmoins, sa jeunesse relativise cette réserve. N’oublions jamais que les institutions ne sont pas des satellites. Elles ne gravitent jamais autour de la même orbite. De sorte que, tirant les leçons de la construction communautaire, il nous est permis, à chaque instant, de corriger le sens de gravitation de l’Union africaine. Le qualificatif « Union »ne dénote-t-il pas une tension vers l’avenir ?

 

Publié dans INTEGRATION REGIONALE

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